Extrait d’une lettre écrite par le Père Doherty soit à sa soeur, Soeur Sainte- Christine soit à l’archiviste des Ursulines de Québec, Soeur Sainte-Croix. La lettre date de 1864. Le Père Doherty y raconte une expédition qui l’a mené jusqu’au monastère des Trappistes de Sainte-Justine. Il décrit l’apparence du monastère. Cette lettre a été écrite à l’origine en anglais.

Une excursion à la Trappe

“J’ai effectué une visite chez les Pères Trappistes, durant la première semaine d’août. Le voyage fut très intéressant pour moi, cependant j’espère que vous n’éprouverez aucun déplaisir si j’ose raconter certains détails.

Monsieur l’abbé Odilon Paradis, curé de Frampton, au cours d’un voyage à Saint-Joachim, m’invita à passer la dernière quinzaine chez lui et me promit, comme incitation à le faire, que nous pourrions visiter La Trappe, si j’y consentais. Ce dernier encouragement, même pressant, n’était pas nécessaire en raison des aimables qualités de ce bon curé, lesquelles suffisaient à promettre du bien bon temps. Et cette perspective se révéla en plein accord avec la réalité, parce que nulle part je n’ai passé une quinzaine aussi intéressante.

Le monastère est une structure de bois d’humble apparence, longue et basse. Il y a une bonne clairière tout autour, d’environ cinquante acres, avec une très belle culture de blé et de pommes de terre s’étendant de tous côtés jusqu’en bordure de la forêt profonde. Il y a aussi des dépendances et une autre maison destinée aux étrangers, mais elle n’est pas complétée encore.

Dans l’ensemble, c’est assez saisissant de retrouver soudain l’empreinte de la culture et de la civilisation, après avoir voyagé si longtemps dans les bois, en forêt sauvage. Et l’effet n’est pas moins impressionnant à la vue de ces hardis et vigoureux Frères, dans leur casaque de bure brune et leur capuchon, arrivant rapidement des différents points du monastère, au son de la cloche.

Le Supérieur nous a reçus avec la vraie politesse française et nous a introduits dans un petit parloir, pauvrement meublé, mais parfaitement propre et net. Le curé a demandé d’abord la permission de suivre les exercices religieux qui commençaient et ensuite informé le Supérieur, à mon grand étonnement, que j’étais un jeune converti, touché par la grâce de Dieu, qui venait demander à passer le reste de ma vie à faire pénitence à La Trappe.

Le Père François a souri et m’a dit que j’étais le bienvenu ; mais, avant de commencer mes austérités, il voulait bien me donner la chance de jeter un dernier coup d’œil sur le monde sous forme de rafraîchissements. “Alors, dit le curé, si c’est ainsi que vous traitez vos pénitents, je veux bien dire que nous sommes tous, plus ou moins coupables et nous désirons accomplir la même pénitence. ”

Tout le monde d’accord, on a partagé un frugal mais cordial repas durant lequel, le Supérieur nous a servis, nous entretenant tout le temps, avec des détails sur la Règle et les règlements de l’Ordre et nous racontant quelques anecdotes amusantes, des Trappistes en général et de lui-même en particulier. Il avait été autrefois soldat de l’armée française et il connaissait évidemment très bien la vie.”

Source: Livre 125e anniv. de Sainte-Justine, 1987, p.39 et 40.